MEMOIRES D'UN RAT DE LIBRAIRIE
C'était écrit sur les réverbères à gaz, sur les feuilles mortes du Boulevard Montaigne et sur les visages verdâtres des Grâces de fontaines Wallace. C'était chanté dans les paroles d'amour des chats de gouttière, dans le vol des étourneaux, dans la paresse des crétins. Toujours, ils s'appelaient vaille que vaille des crétins jeteurs de livres, vaguement français, légèrement locuteurs du volapük. Consultez là-dessus les amis des crétins et aucun ne cherchera la vérité anatomique de quelque texte que ce soit. La ville, capitale vésunienne en mouvement affichait ses boutiques bondées, ses bars à joyeux drilles, ses cinémas à puces, ses marchands d'élastique à bretelles et à billets de loterie. Au pied du bronze du glorieux général Daumesnil trônait l'antique et royal kiosque à journaux, cerné de part et d'autre par l'épiderme des pavés luisants. Jadis, les feuilles jaunes d'automne illustraient les allées du boulevard Montaigne.
En cette année 1962, j'obtins mon certificat de nationalité lecteur.
Lecteur novice, à peine sorti des Trois Mousquetaires et du Grand Cirque de Closterman, je ne connaissais pas encore Goethe, ni Michel-Ange, ni Picasso, je croyais que la Renaissance était un cinéma de quartier, et la paresse plus attirante que la bouche de ma voisine de palier Vénus de parc à vélos. Eh bien, oui ! sans chagrin et sans amertume, j'avais raison de penser à Vénus. De sa mystérieuse substance divine sortirent miraculeusement grâce à ma naturelle paresse et ses deux parents; UN LIVRE ! Un livre a deux parents; un qui l'écrit, et l'autre qui le lit. Vers la fin l'été indien, soudain, sans crier gare, ma voisine de palier, lâchement abandonnée au profit de la Traviata, confirma que ce bon Verdi, cet aimable Léonard, pas plus l'un que l'autre, n'avaient jamais existé, pas plus que l'océan, ni les femmes fatales, ni les Pyrénées, ni rien.....Nous habitions rue Combadonna, tout près du dépôt où Pelaillo, ténor du klaxon expert en dégraissage des oreilles remisait son tricycle à glaces et cornets. Lyon, Bordeaux, Rome, Milan, chaque ville possédait son Pélaillo. A l'abri de mes persiennes, je contemplais mes godillots à lacets, mon tube de Pento, mes livres de poche éditées par Gallimard, bref, tout ce qu'un adolescent de quinze ans peut désirer. La première librairie coopérative où je mis les pieds était située rue Victor Hugo à P******** et lorsque le gérant Mallory décrocha mes deux premiers volumes choisis, à savoir Topaze et la Femme du boulanger, j'étais enfin devenu ce qu'il est convenu d'appeler, un vrai rat de librairie.
Au mois d' octobre 62, sous un mélange périgourdin de soleil et de pluie, grâce à Venus, la vraie Vénus, tout arrosé d'énergie érotique, je tentais de fuir l'inflexible banalité tant soumise au règne du crétin dominant. J'appris quelques règles élémentaires que chaque rat se doit d'honorer; tout d'abord, humer le bouquet et l'arôme du papier et son millésime, identifier la date de parution et la date réelle de réimpression puis enfin découvrir l'inévitable cachet de l'imprimeur-relieur "Brodard et Taupin". En bon sommelier, il me fallait admirer le dessin de couverture, signé Francette Guérin ou Jean-Claude Forest le plus souvent, et bien entendu, jeune et élégant dégustateur puriste, ne pas oublier la fameuse page dite "du même auteur". J'avais sous les yeux, sur papier glacé, transparent et verni les dessins ambres, pourpres, violacés ou safranés de Brassaï, Prévert, Cocteau, Bernard Buffet, Colette, Léonor Fini, Pierre Faucheux et Lucien Fontanarosa. N'ayant jamais su peindre, je me mis à dépeindre. Mon Dieu quel bonheur, enfin ! j'étais un rat. Un rat du goût, certes, mais tout de même un rat.
copyrightJean-JacquesDallemand - reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.
Cliché : reproduction d'une oeuvre picturale signée José Corréa : Un adolescent Rimbaldien.
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APOLLINAIRE
Guillaume Apollinaire véritable inventeur du mot "surréalisme". Fondateur de la Revue blanche dans laquelle il publia son premier conte "L'Hérésiarque", puis le célébrissime "Alcools". Je lui dois mes premiers émois en découvrant "Sous le pont Mirabeau"....
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Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine......
A vos recueils !
J'eus soudain envie de visiter Paris....et mon premier hommage au poète fut délivré du haut de ce fameux pont Mirabeau.
Pour les jeunes gens, garçons et filles des années 2015, peut-être un appel à la lecture, voire une source d'inspiration....le cas échéant suggérer à leur idole chantante, Kendji, la découverte d'un vrai texte poétique..."Les cloches" : "Mon beau Tzigane mon amant".......à déguster, avec ou sans roulotte lors des veillées du mois d'août.....ou bien dès aujourd'hui.....Avec ou sans guitare !
La leçon de vie poétique d'un artiste, en l'occurrence Apollinaire, nous enseigne à quel point il faut se méfier, à la fois de la guerre et de la grippe !
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ARNAUD
Henri Girard devenu Georges Arnaud, j'en entendis parler avant qu'il ne devienne l'inénarrable conteur d'aventures découvert par le grand public lorsque le "Salaire de la peur" fut porté à l'écran en 1954.par Clouzot.....En compagnie de sa mère et de sa tante il habita quelques années le magnifique château d'Escoire proche de Périgueux. Grand amateur de musique classique aux mains de pianiste......il n'entendit rien à ce qui se passa dans les étages inférieurs et bien entendu, accusé à tort du meurtre de son père, sa tante et la bonne fut heureusement acquitté.....
Du même auteur, à lire sans tarder : "Le voyage du mauvais larron"......"Les oreilles sur le dos"....."La plus grande pente" ....pour embellir vos nuits......Pour votre rayon théâtre "les aveux les plus doux", mise en scène de Michel de Ré, avec Michel Piccoli.... une pièce victime de la censure en 1953 interdisant formellement que cet ouvrage soit porté à l'écran...merci messieurs les censeurs !
Leçon de vie : C'est bien beau d'accuser un innocent, mais encore eût-il fallu qu'il soit coupable. Puisqu'il fut innocenté, je ne vois pas pourquoi la municipalité d'Escoire ne lui a pas encore élevé une statue. Ne tirez pas sur le pianiste !
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BALZAC
Honoré de Balzac (né Balssa)....La Comédie humaine.....Un monument à l'égal de l'oeuvre d'Hugo et de Beethoven. Pour celles et ceux qui n'auraient pas encore ouvert "le Lys dans la vallée", il est encore temps de se précipiter chez votre libraire préféré, cependant non sans s'être au préalable muni de quelques mouchoirs.....afin d'entendre les souffrances d'Henriette-Blanche. A lire de près : conseillé aux parents : "Traité de la vie élégante", aux esthètes prêts à bondir sur la palette et le pinceau "Le chef-d'oeuvre inconnu", à vos ennemis intimes : "N'ayez pas trop d'amitié pour moi, j'en veux trop".....Quelques cinq cents ouvrages....Evitons si possible l'alcool, le café, le thé, le sucre et le tabac....dont il ne se priva guère....le génie ne peut pas toujours être à la hauteur de la mauvaise réputation que vous attribuent vos voisins....
Grand sujet d'étonnement, on se demande pour quelle obscure raison, les crétins actuels chefs de sectes médiatiques n'ont pas encore brûlé les oeuvres de Balzac, compte-tenu de l'optique balzacienne lorsqu'il décrit certains personnages qui ne sont ni catholiques ni bouddhistes.....
Pour les ambitieux avides de faire fortune à Paris, bien étudier au préalable le personnage incarné par Rastignac tous les défauts de la terre (un Charentais)....mais bon, passons...tout héros ne peut être absolument périgourdin, voire Corrézien , à la limite....Toulousain !
Fort dommage pour nous, mon cher Balzac, d'être mort si tôt (51 ans).....nous aurions aimé qu'il soit encore de ce monde......juste pour le plaisir de le croiser du côté de Passy......A noter qu'il y eut un jean Louis Guez de Balzac (Balssa), né en 1596, fin lettré, maître épistolaire et académicien, très inspiré par le Latins, Sénèque et Cicéron..Je dirais même plus .
Ce très honoré maître est vraiment l'idéal
pour vous aménager une bibliothèque en balsa.....
BAZIN
Hervé BAZIN
Je ne remercierai jamais assez chaleureusement le glorieux inventeur de la pile Wonder dont l'étincelle de génie a bien favorisé, mes soirées d'hiver. Calfeutré sous l'édredon, j'attaquais Hervé Bazin, la mère nommée par les trois garnements Folcoche (folle et cochonne), Brasse-Bouillon et ses deux frères, Brasse-Bouillon, le narrateur, et le petit dernier, Cropette, idolâtré par la mère détestée. Vite identifié au narrateur, j'en pris les manies, le goût de l'insolence, l'attrait des grands espaces, et un certain humour ravageur à l'égard de tout porteur de robe noire; les fameux abbés numérotés de un à sept...B1 à B7 ! Je me mis à essayer le "finnois", langue inexistante mais si bien parodiée par les frères lorsqu'ils communiquaient avec la brave "Fine -Alphonsine", la bonne sourde et muette. La vocation vers le mime et le théâtre, c'est probablement ce sens de la parodie incarné par le personnage de Fine qui m'y incita. "Vipère au poing", un de premiers amours, bientôt suivi de : "La mort du petit cheval"....."Qui j'ose aimer".......et ce merveilleux recueil de nouvelles signé Hervé BAZIN......"Chapeau bas", pour entrer en Bazin, à étudier en détail sans tarder, chers jeunes gens !
Vingt ans après, je découvris Françoise DOLTO et sa thèse "L'Evangile au risque de la psychanalyse", c'est-à-dire l'incroyable et baroque prescription consistant à "travailler" l'enfant afin de révéler en lui les fonctions de père et de mère ! En comparaison, de nouveau transporté vers le passé de Brasse-Bouillon-Bazin, expérience vécue par l'auteur, la pittoresque relecture freudienne privilégiée d'épanouissement de l'enfant-roi et autres balivernes, décrite par Dolto, annonçait déjà les prémisses de la révolution transgenre, en quelque sorte. Elle ne fit pas de moi un fervent disciple de Jacques Lacan. Bref, après que Bazin eut décrit précisément les tares de l'éducation bourgeoise du 2O° siècle, bonnet d'âne, privation de dessert et coups de règle derrière les oreilles, j'en conclus que j'avais la même mère abusive à la maison. Choix maternel sélectif, totalement irrationnel consistant à mettre un enfant sur trois au pinacle, enfin, tout le vingtième siècle et ses fâcheuses habitudes d'héritage affectif..
.En résumé, grâce à la complaisance des médias incultes, Dolto avait prêché l'extravagante nouvelle religion éducative, justifiant ainsi a-priori la parfaite synthèse du "golem" libertaire-libéral. De ce fatras extravagant, espèce de monstre issu de la mythologie kabalistique sortirent dans les années 8O quantité d'énarques, journalistes et hommes et femmes politiques aujourd'hui sexagénaires.
Partant du champ freudien déjà bien asséché mais néanmoins fertile en connaissance de certains aspects de la mythologie grecque utilisés à son seul profit, Lacan se perdit au fond du marécage et y noya son Antigone, la malheureuse Dolto. Dieu merci (si je puis dire), vint Michel ONFRAY qui mit les choses en ordre de compréhension, nous sortant du capharnaüm grâce à son ouvrage "Le crépuscule d'une idole" suivi de "Apostille au crépuscule".
Entre la "mauvaise mère" et la "bonne mère" inconnue de mes fluides, au sortir de cette lecture doltonienne, abasourdi, et pour tout dire , rincé à jamais de lait maternel et de son cortège d'idées plus saugrenues les unes que les autres, je me croyais tantôt en l'an 4O au fin fond du Ghetto de Varsovie.....tantôt dans le contemplation Saint-Sulpicienne des tableaux transfigurant Jésus et sa maman. Tel Schliemann. J'avais détérré une nouvelle Troie....Dès lors, Lacan et Dolto furent remisés au rayon humour farces et attrapes, peut-être pour me soulager, je remis des tonnes de sable sur Troie.
Conclusion ; Ce que la vie perd, la mort le gagne....
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BENOIT
Pierre BENOIT..
.....Il fut pour ainsi dire "ma première pierre", une sorte de pierre au lyrisme azuré qui, de jeudi en jeudi fit entrer au sein de mon Panthéon érotique chaque héroïne décrite...Axelle, Azalée, Allegria, Arethuse, Annabel, Angelica, et bien entendu, la très fameuse et divine Antinéa de l'Atlantide...Quelques années durant, je crus dur comme fer que le Hoggar targui abritait encore la noble dynastie neptunienne dont Antinéa était l'héritière, tandis que monsieur Platon s'était évertué à nous convaincre de la réalité de la catastrophe ayant englouti mon Atlantide ! Ferrières, Morhange, me firent pleurer quelques années sur leur tombe imaginaire. La majesté picturale avec laquelle BENOIT dévoile la féminité d'Antinéa me sidère encore aujourd'hui .
..Enfant, lors de chaque défilé sur l'esplanade des Quinconces à Bordeaux, ingénument, je posais l'éternelle question aux troupiers Spahis.....Quelqu'un a-t-il connu le Capitaine André de Saint-Avit ?! "Bien sûr" répondaient-ils invariablement. "Et moi, je suis le cousin d'Antinéa" assura sans rire un vieux maréchal-des-logis.
Parfois, je me demande si monsieur Platon est véritablement un monsieur sérieux. Récemment, par acquit de conscience, je suis allé inspecter les tombes du cimetière au pied de l'abbaye...en périgord profond...aucune stèle, aucun souvenir, là-bas, à Saint-Avit Senieur; Il y avait cependant la stèle du souvenir dédiée à feu le recteur Jean Capelle. Grand homme s'il en fut....hélas, il n'était pas un ancien Spahi.
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COLLODI
CARLO Lorenzini -dit COLLODI- natif de la bourgade nommé Collodi......La première version imprimée, parue sous forme de feuilleton dans les colonnes du "Journal pour les enfants", dans les premiers mois de l'année 1880, puis sous forme d'ouvrage dont le titre exact en langue italienne est le suivant : "Le Avventure di Pinocchio" "storia di un burattino". (un pantin)..devenu par glissement "baratineur" en langue française . ..chez Casa éditrice marzocco - Firenze....
...Il y eut une suite intitulée : "La promessa sposa di Pinocchio", l'épouse promise de Pinocchio, un volume, hélas, à notre grand regret, que nous ne possédons pas.....Rien pour l'instant sur la future madame Pinocchio !!!
La version cinématograpique la plus populaire tournée en 1972 fut celle de..Luigi Comencini....avec Nino Manfredi et..Andréa Ballestri...dans le rôle de l'apparence humaine de Pinocchio. La dernière version est celle de Roberto Begnini......à voir, sous toutes réserves....car le miracle du bois , et pour cause, n'a pas eu lieu....Sans la bûche originelle.....Lectrices férues de psychanalyse et de symbolique : voyez en premier lieu la correspondance entre la bûche et le personnage "ESU" figurant sur les monnaies celtiques dites "gauloises", ESU, le charpentier.....repris plus tard par la symbolique chrétienne sous la forme "JESUS" charpentier, fils de charpentier. Créateur, homme et dieu, autre figure de l'arbre de la connaissance.....Geppetto, (Joseph) tiens, tiens, le père travailleur du bois, et Pinocchio, le fils.....parallèle qui donne à ce récit génial de ce grand initié un éclairage jusqu'ici rarement traité....sujet que nous proposons à votre sagacité chères lectrices.
Pinocchio n'était, paraît-il pas du bois de luxe, selon son père adoptif Geppetto qui hérita du Père la Cerise ce beau petit, mais il devint une merveille de pantin.....un enfant tout à fait extraordinaire à la voix envoûtante.....un fils que nous aimerions tous avoir eu !!! Nanti d' un fils paaré d'une impitoyable beauté, Geppetto (Joseph) envisageait un vaste tour du monde muni seulement d'un morceau de pain et d'un verre de vin, (comme dans le récit du Nouveau Testament)..Pour le personnage de la fée Turquoise, nous y voyons l'incarnation de Marie (revêtue de son manteau bleu), femme hyper maternelle, absolvant tous les caprices du petit, munie de tous les pouvoirs magiques, intervenant chaque fois qu'un grand danger met le petit en situation périlleuse. Pinocchio, ce turbulent demi-dieu subit les pires tentations, trois épreuves, celle du feu, de l'air et de l'eau, et y succombe avant de se remettre entre les mains du père et ainsi rejoindre la vérité de l'alphabet, sous-entendu; (L'Evangile)...Un grand récit initiatique, et pour tout dire, au-delà du sens évangélique mis en abyme dans le fond, assez maçonnique dans la forme cryptée...avec l'indispensable et récurrent chiffre trois. L'Histoire de Pinocchio serait-elle le cinquième Evangile ?
.. Bref, si la chance de rencontrer une jeune fée bleu-turquoise lors de votre prochain séjour à Collodi...vous sourit....sans oublier la coupe de cheveux dite "Polenta" -surnom de Geppetto- pour davantage séduire....si possible. Cependant que rien n'est jamais sûr....sachant tout de même qu'une italienne sur cinq parle français...va à la messe, de surcroît s'habille toujours très chic, et, de source sûre, connaît son alphabet sur le bout des doigts.....
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COULONGES
Georges COULONGES....
Un véritable humoriste, né poète, talentueux en diable que nous eûmes le bonheur de côtoyer en région parisienne durant mon cycle d'études au C.E.D.I.R.C. 93. La sous-directrice de l'Institut, Liliane MARTINEZ, ancienne attachée de presse de Roger PLANCHON au TNP de Villeurbanne avait invité l'illustre auteur, Grand-Prix de l'humour. Nous allions découvrir le parolier de Jean FERRAT (Potemkine), entre autres chefs-d'oeuvres, ainsi que son spectacle "La Commune" avec comme interprêtes MOULOUDJI, Armand MESTRAL et Francesca SOLLEVILLE.
Parolier au style éclectique, il écrivit des dizaines de textes pour les chanteurs des années 5O à 9O, dont Sacha DISTEL, BOURVIL, Luis MARIANO et Nana MOUSKOURI : "L'enfant au tambour".....Très jeune Résistant en 44 il fit ses débuts à Radio-Bordeaux puis devint un remarquable auteur et romancier dont nous recommandons la lecture.
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CALDWELL
Erskine CALDWELL
Né en 1903 en Géorgie, ce fils de pasteur presbytérien reçut une éducation assez chaotique qu'il complétera par la suite à l'Université de Virginie. Ses mises en scène quasiment autobiographiques des "pauvres blancs" du Sud, ses reportages en Russie en ont fait un des écrivains les plus lus aux Etats-Unis et dans le monde. L'ensemble de son oeuvre, entre "Le petit arpent du bon Dieu", jusqu'à "Jenny toute nue" met en relief l'atmosphère dépeinte dans les tableaux d'Edward HOPPER. Leur manière de voir l'amérique des oubliés et des laissés pour compte est basée sur un vocabulaire de récits vécus et c'est ce qui fait de CALDWELL -trente romans, cent cinquante nouvelles- et de HOPPER deux témoins complémentaires de ces années 5O. Amis lecteurs adolescents, futurs apprentis-scénaristes, vous ne regretterez pas d'avoir fouillé dans la bibliothèque de votre grand-oncle en souhaitant que vous puissiez y dénicher à la fois les dessins de HOPPER et les livres de CALDWELL.
DUMAS
Alexandre DUMAS
Qui n'a pas dévoré les Trois Mousquetaires avant d'avoir atteint ses quinze ans ne mérite aucun cadeau d'anniversaire ! Parmi les multiples versions cinématographiques du chef-d'oeuvre intégral, je veux accorder une mention spéciale à l'acteur Gérard BARRAY qui incarna (en 1961) d'Artagnan face au Cardinal interprété par Daniel SORANO. Le véritable chevalier d'Artagnan pour lequel la ville d'Auch, capitale de la Gascogne, éleva une statue, trouva la mort lors du siège de Maastricht....décidément, Maastricht ne porte guère bonheur.....
FLAUBERT
Gustave FLAUBERT
Le père du roman moderne ! Son fameux "dictionnaire des idées reçues" peut être lu si vous êtes âgé de moins de 17 ans, non sans avoir auparavant consulté très soigneusement le "FLAUBERT" rédigé par Henri TROYAT (en Livre de poche) bien entendu ! Tout comme le censeur CATON, FLAUBERT éprouva quelques difficultés avec "CARTHAGE"......Il n'a jamais dit "Salambô, c'est moi" . A la suite de quoi, muni de ces précieux renseignements, chers lecteurs, chacun comprendra enfin pourquoi FLAUBERT s'est écrié : "Madame BOVARY", c'est moi !
Aujourd'hui Samedi 9 Mars 2019
GIDE
André GIDE
A quinze ans, j'eus une manière très personnelle, presque encore enfantine d'accueillir le ton Gidien, j'abordai sa correspondance avec Maria Rainer RILKE ET PAUL VALERY -le maître à penser de Georges BRASSENS-, puis sa critique éminemment positive d'Oscar WILDE. Lorsque GIDE, sans broncher se laissa dire par Oscar : "je n'aime pas vos lèvres, elles sont droites comme celles de quelqu'un qui n'a jamais menti. Je veux vous apprendre à mentir, pour que vos lèvres deviennent belles et tordues comme celles d'un masque antique"..je n'en saisis pas sur le champ le sens caché,mais plus tard, GIDE l'ayant comparé à un Bacchus asiatique, les proches affinités soudain s'éclaircirent. Sur les conseils de Jacques LAFONT, je découvris aussi COCTEAU et je vis, hors littérature, quelle unité d'esprit pouvait rassembler ces trois génies, il fut aussi question d'une "Porte étroite", et là, tout à fait entre nous, l'élégante politesse de leur mode commune fit de moi un disciple aux barrières glaciales. En somme, je restai admiratif de leurs styles respectifs mais enfin, et j'en suis désolé, jusqu'à ce jour, je demeurai classiquement provincial.
GOGOL
Nicolas GOGOL
Entre 1962 et 1964, une grande partie des lycéens, chaque samedi après-midi parcourait les boulevards principaux de la ville. Une fois les potins évacués, chacun faisait assaut de sa fraîche érudition. Personnellement, j'en pinçais pour GOGOL, découvert grâce à la revue théâtrale "L'Avant-scène", car le personnage de Khlestakov, d'emblée me fascina au plus haut point, il avait tout de l'aventurier vers qui l'Administration offre gîte, honneurs et couverts sans qu'il n'ait rien demandé, simplement parce que la ville attend la visite d'un grand inspecteur, le fameux "Revizor"....Un personnage d'usurpateur, par définition, il lui suffit d'annoncer qu'il vient de "Petersbourg", capitale intellectuelle et culturelle, l'équivalent de notre Paris du 19° siècle, pour que les portes s'ouvrent comme par enchantement. En juillet 63, les "Tréteaux de France" de Jean DANET installent leur scène couverte sur l'esplanade du cours Montaigne pour y jouer, non pas du GOGOL, mais du PIRANDELLO. Sollicitant la permission maternelle de partir en tournée avec ces prodiges du théâtre, bien entendu, je ne l'obtins jamais ! D'autres courts-circuits surprenants viendront au fil des rencontres..Jacques LAFONT et son interprétation de Scapin..Marina VLADY et sa passion de TCHEKOV, Michel AUCLAIR sympathique et talentueux, Jean MERCURE au théâtre de la Ville de Paris qui sut m'enseigner l'art de scénographie et de la mise en scène.....avec RAFFAELI et Serge PEYRAT qui firent le succès de l'ancien théâtre Sarah Bernardt, dès la Saison 69/7O. A propos de Jean MERCURE (et du Mime MARCEAU), il n'est pas inutile de rappeler qu'ils furent tous deux hébergés en Périgord durant les années 43/44....
HERGE
Georges REMY dit HERGE
D'emblée, TINTIN a réussi à me persuader d'aller faire un tour en Afrique, puis en Amérique, mais en revanche, pour un tour sur la lune, non, vraiment, cette envie ne m'a vraiment jamais traversé l'esprit, je dirais même plus ! TINTIN a largement contribué à me dégoûter de la lune, de la conquête de l'espace des fusées, des satellites, de la guerre des étoiles, de la conquête spatiale et autres Caps Canaveral ! Comme tout un chacun, TINTIN et moi sommes devenus inséparables dès ma première apparition au sein de son univers ! J'ai assisté (sur le papier) à tous ses préparatifs à la veille de s'embarquer pour le Congo, je dois le dire, à chaque départ, j'étais sur le quai. Trop jeune pour avoir connu la fameuse édition du Petit-Vingtième, et sa lutte contre l'URSS de Staline, comme les copains, j'ai attendu mon heure ! Jamais embarrassé par la présence féminine quasiment invisible, TINTIN fut à mes yeux le type même de l'aventurier à qui tout réussit, ainsi, dès quinze ans révolus, la famille HERGE, bien entendu famille de papier fut aussi ma famille. Du premier à l'ultime album, je ne vous apprendrai rien en vous disant que je possède chaque exemplaire.....
KAFKA
Joseph KAFKA
En ouvrant les premières pages du "Château", je mentirais en affirmant que je fus séduit; je dus me forcer pour tenter d'aller plus avant, et lorsque, au hasard de mes recherches, un des fameux apologues me sauta au visage, je jouais instantanément à m'identifier au narrateur, sujet de "La rebuffade". Tout comme lui, de mauvaise foi, les quelques répliques échangées avec ces adolescentes demoiselles se concluaient par un très fameux; "bon !chacun rentre plutôt chez soi". Le boulevard Montaigne se vidait de ses flâneurs, tandis que le photographe aux faux clichés évitait nos regards, alors, le dernier sourire enjôleur s'effaçait, et l'on se disait adieu sans avoir échangé davantage que deux mots. Les futurs "Alain" et les prochaines "Brigitte" à chignon ravageur et à nuque moussante s'esquivaient, craignant sans doute le regard ombrageux des frères plus âgés attablés sur la terrasse du "Casino de Paris", haut-lieu de rendez-vous surnommé : "le casin". Tel l'arpenteur du "Château", le pauvre serveur "Mickey", serviette sur l'épaule, de table en table, sur ordre du Père Mora, le roi de la belote, tentait d'imposer, mais en vain, ses sempiternelles tasses de café. L'inclassable et génial KAFKA m'a depuis longtemps accordé la grâce de faire admirer et comprendre l'immensité de son talent.
LAMARTINE
Alphonse de LAMARTINE
" J'aimai, je fus aimé, c'est assez pour ma tombe, qu'on y grave ces mots, et qu'une larme y tombe"..(dernier chant du Pélerinage d'Harold)...LAMARTINE fut, et demeure ( avec CHATEAUBRIAND) mon premier Impérator de la poésie française. Ce prestigieux calligraphe de la volupté romantique m'éleva à mille coudées du monde banal. Il m'emprisonna dans la nature...."Italie! Italie! adieux bords que j'aimais !..Il contribue encore aujourd'hui à cette passion de m'appuyer sur certains Italiens; COLLODI pour l'art du conte, PIRANDELLO pour le théâtre dans le théâtre, VERDI pour l'absolue passion de la jouissance musicale et de l'exubérance mélodramatique associées....LEONARD pour mes premières impressions imagières.....FELLINI pour son paganisme sauvage...et CECCOTTI pour la fresque romaine du vingtième siècle.....En ce début d'automne 59 je découvris mon LAMARTINE sous une pile de classiques LAROUSSE années 5O. Pas d'illustration, le texte, rien que le texte éclairé par un rayon oblique encore griffu, un rayon couleur soufre, je suis en transe. Perché sous le grenier à foin j'entends les voix rauques mêlécasses s'invectiver à propos de tout et de rien....lessives en cours, poulets à plumer pour le ban des vendanges....je savoure mon eau-de-vie d'un genre particulier, elle a pour nom.... LAMARTINE....Quitte à inventer des péchés -c'est encore l'époque de la contrition- autant s'inspirer des poètes sacrés, autant se confesser en rimant, ce sera désormais ma règle du jeu, mon ambition, mon vice et mon démon. En m'isolant dans ce décor de grenier de ferme, j'apprends à me poser face au monde extérieur. "Mon coeur lassé de tout, même de l'espérance, n'ira plus de ses voeux importuner le sort; Prêtez-moi seulement, vallon de mon enfance, Un asile d'un jour pour attendre la mort". Chez tout auteur, je cherche l'ivresse sonore.....je suis servi.
Solitude du lecteur est rarement chagrin.
MAURIAC
François MAURIAC
J'entrevis vingt minutes durant la possibilité de connaître enfin le mystère entourant la naissance de Thérèse ma soeur aînée.....Hélas, il s'agissait de Thérèse Desqueyroux dans ce portrait d'une jeune fille en recherche de volupté.
Chez MAURIAC, cet ange noir, tout l'oeuvre n'est au fond qu'une longue et précieuse réflexion sur le thème du mensonge. Entre l'hostie, les vêpres à Saint-Seurin, tous les protagonistes ne sont que mensonge dont l'adolescent 19OO, guêtres et canotier, se paie la tête à chaque détour dans cette longue fresque d'une quarantaine d'histoires, sans cesse irradiée par la lumière des landes girondines.
Entre Bazas, Cérons, Saint-Macaire, le Sauternes du dimanche midi et l'inévitable pélerinage Pascal à Verdelais, le mensonge, la primauté du mensonge est le personnage récurrent de cette vaste comédie bourgeoise qui lui vaudra le Prix Nobel de littérature en 1952. Il faut imaginer ce Bordeaux en noir et blanc pluvieux, l'horloge de la Place de la Comédie, l'escalier menant au Grand-Théâtre, les Tractions-avant rutilantes et le sémillant Jacques Chaban-Delmas accueillant l'illustre académicien sous les sifflets des libre-penseurs mêlés à la foule des curieux sortis des trammays; l'imperméable couleur mastic sur l'épaule. Paulette Merval, la reine de l'opérette fut longuement applaudie, Marcel Merkès, un peu moins.
Dans les coulisses morales du décor aux cent-clochers de la bien-pensance, ce jour-là, ce qui avait contribué à la gloire mondiale du fils prodige bordelais, à savoir : le vice de la propriété, la dévotion formelle, l'inculture totale du bourgeois parvenu et l'égoïsme de classe donnèrent au Champagne et aux petits-fours un goût amer de trahison.
J'avais cinq ans, par chance, je ne buvais que du lait.
PAGNOL
Marcel PAGNOL
Et si le "Livre de poche" était en réalité la première merveille du monde ? Sur les conseils du comédien et poète jacques LAFONT, j'entrai en PAGNOL grâce à Fernandel dont la photographie ornait la couverture du volume de poche, numéro 294 de la collection.
Subjugué par l'atmosphère délirante de la Pension Muche, envoûté par le rôle d'Ernestine la cynique, j'apprenais, devant ma glace, toute la finesse du jeu théâtral. Mimiques interrogatives, haussements de sourcils, rictus mondain, plissement des paupières, et oeil de velours destiné à séduire Ernestine fausse ingénue. Jeunes gens amoureux des classiques français, à celles et ceux qui se destinent au théâtre, entrez en MOLIERE et entrez sans tarder, toutes affaires cessantes en PAGNOL, vous ne le regretterez jamais !
L'ami Yvan Audouard, volume 4744, a consacré au maître un merveilleux ouvrage de vie que nous recommandons à tout un chacun. PAGNOL restera le poète, l'homme et l'auteur d'une oeuvre impeccable.
A partir de Jeudi 28 Mars 2019, débuteront les enregistrements radiophoniques de "Mémoires d'un rat de librairie".....pour être diffusés selon la grille RLP qui sera communiquée à notre lectorat !